Les motivations de Simenon pour voyager étaient multiples : voir le monde, « vivre toutes les vies », découvrir, derrière la diversité des lieux et des coutumes, ce qu’il appellera plus tard « l’homme nu ».
Ce que laissent pourtant apparaître ces clichés, c’est l’inquiétude d’un regard, hanté par le souvenir de la Première Guerre et habité par la crainte de la suivante : effets dévastateurs de la grande crise, rencontre brutale de la modernité triomphante et des modes de vie traditionnels, images obsédantes des grandes migrations, …
Ces photographies donnent donc à voir un Simenon immergé dans son époque et observateur de l’Histoire en marche, tout en fournissant le décor vrai de certains de ses plus grands romans tels que Le Coup de lune, Les Gens d’en face, Les Clients d’Avrenos ou Quartier nègre.
Mais le Simenon qui fixe ainsi sur la pellicule les images d’un monde voué à disparaître dans le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale prépare aussi son œuvre romanesque de l’après-guerre en se lançant « à la recherche de l’homme nu », c’est-à-dire d’un homme de partout et de nulle part, tel qu’il apparaît une fois débarrassé de ses attributs de rang, de caste ou de race, seul horizon de réconciliation possible dans ce monde en crise.